Biographie

Biographie

José maria, bien sûr Josep Maria en catalan, son origine.

Artiste Suisse, vit actuellement à Rolle, en Suisse.

Travaille lentement, presque toujours, sauf l’exception qui fait la règle.

Ses peintures sont peintes à la tempera (pigments et œufs) sur toile de lin sur châssis ou bien sur cuivre ou aluminium.

Son travail

Dans ses Lettres à Villemain, Michel Eugène Chevreul, chimiste des Gobelins, propose une formule sur le statut de la réalité factuelle : « D’après le principe que nous ne connaissons les corps que par leurs attributs, ces attributs sont des FAITS ; et ces FAITS, étant des abstractions, il en résulte que nous ne connaissons LE CONCRET QUE PAR L’ABSTRAIT ». Par la suite, il établira la loi des contrastes simultanés déterminant la nature psychophysiologique de la perception des couleurs « Dans le cas où l’oeil voit en même temps deux couleurs contiguës, il les voit les plus dissemblables possibles, quant à leur composition optique et quant à la hauteur de leur ton». Cézanne puis Kandinsky s’approprieront la théorie de la couleur énoncée par le vieux savant, posant les fondements de l’abstraction et de l’utilisation de la couleur/volume au XXe siècle.

La série proposée par José Maria Albiol, s’inscrit en filiation de cet héritage entre Science et Art. En première lecture, il y est question d’une expérience (évidemment plasticienne) invitant le regardeur à entrer en congruence avec l’espace physique et physiologique du tableau. La couleur fonctionnant comme objet sensitif et intuitif de ce rapport. L’ensemble d’une grande cohérence se joue, avec une apparente facilité, de la réfraction et de la diffraction par l’utilisation judicieuse des effets de matité, d’incidence. Construit selon un dispositif de travail à la lenteur quasi alchimique, Albiol interroge le plan théorique, s’approprie des schèmes issus de la peinture classique ; la miniature, le nombre d’Or, les supports de cuivre enduit de gesso, le médium à la tempera à l’œuf (il broie lui-même ses couleurs, organise scrupuleusement sa matière).

Cependant, limiter le travail de José Maria Albiol aux seules propriétés esthétiques de surface engageant des perceptions sensorielles ne permet pas d’en dégager les qualités d’œuvre d’art. Cela reviendrait à oublier que tout s’organise, ici, pour et autour de l’effet de tension créé par la recherche du point de rupture (accidentelle ou voulue) ou encore de transparence … Rupture d’espace entre le regardeur et le tableau ; qu’elle est le bon rapport d’observation ? Rupture avec la composition ; quel en est le point d’équilibre, … s’il y en a un ? Rupture de la perception ; le ton est-il plein ou transparent ? … La(s) réponse(s) appartient au regardeur attentif et engagé dans le processus proposé. Il y a création du principe d’Enaction ; le regardeur est transformé par l’expérience du tableau, il « s’appréhende lui-même dans l’acte d’exploration » et à son tour change l’espace du tableau. Il y a transmutation, transfiguration réciproque. Paradigme éternel propre à l’œuvre d’art. Qualité et force du travail d’Albiol.

Pierre Stringa 2015

Les Chants des Pigments selon Albiol

Il est utile, (…) de rappeler qu’Albiol travaille la peinture « a tempera ». Une technique où la poudre des pigments est amalgamée par un liant à base d’œuf. Lors de chaque application, l’émulsion détrempe les couches antérieures. Ce qui engendre des remontées de couleurs les unes dans les autres et donc des vibrations colorées. Cela se passe dans la profondeur. Mais Albiol a imaginé aussi d’étendre l’illusion aux translations horizontales. Comme si ses tableaux étaient le lieu d’union ou de séparation d’étendues colorées.

Philippe Mathonnet 2000

Notes sur la peinture de José Albiol

Les dernières peintures de José Albiol s’inscrivent dans une série caractérisée par l’invariance de certains paramètres. Le format se présente comme un quasi carré, un peu plus étroit que large, sans monumentalité mais suffisamment grand pour que, de près, le regard ne parvenant pas à embrasser la totalité de la surface peinte puisse se promener à l’intérieur de l’image. Le léger rétrécissement de la longueur crée une tension à peine perceptible. Sans contredire vraiment la stabilité du carré, il oriente et dynamise la toile en évitant toute dramatisation excessive. Les peintures de José Albiol sont calmes mais pas en repos.

Le châssis se signale également par son manque d’épaisseur.

La couche peinte plaquée contre le mur s’en détache à peine. Ce maigre décrochement engendre une étrange situation de proximité dans laquelle se combinent les notions contradictoires d’adhérence et de décollement.

La pesanteur paraît étrangère à ce mince objet peint ; la finesse de son châssis l’allège sans le dématérialiser. Ainsi l’affirmation de la couleur se fait-elle sans recourir à aucun effet matiériste.

José Albiol peint avec des pigments qu’il cuisine lui-même selon d’abominables recettes à l’œuf pourri. Ces dernières ont l’avantage de laisser à la couleur son maximum d’intensité en même temps que sa plus grande intégrité : le respect de sa longueur d’onde originale. La toile accueille la couleur, elle est le lieu de son effectuation : ainsi pourrait être défini l’acte de peindre. Non pas utiliser la couleur afin d’exprimer (d’illustrer dans le pire des cas) un sentiment une idée, etc. mais laisser venir la couleur, trouver le mode d’être qui lui est propre. C’est ainsi qu’il faut comprendre Albiol lorsqu’il affirme sans ambiguïté « J’aime la couleur simple, unique parmi les autres couleurs. Pourtant je ne suis pas un coloriste. » Le coloriste, justement, serait celui qui en use avec elle à d’autres fins qu’elle-même alors qu’Albiol la définit, « parmi d’autres », comme « unique ». Les toiles consistent en effet le plus souvent en une trame colorée déposée sur un fond, une sous-couche d’une autre couleur qui la déborde. Cette dernière est coextensive aux bords de la toile alors que la trame colorée, moins étendue, est effrangée par l’irrégularité des touches. Entre les deux, il se crée un liseré dont le bord extérieure enregistre la soumission de la peinture à la géométrie du cadre tandis que sa bordure interne s’approche au plus près des limites de la toile mais sans jamais se confondre avec elle, laissant ainsi clairement apparaître l’accomplissement sans contraire du coup de brosse. La aussi, comme pour le choix du format, l’affirmation sereine de la peinture passe par une mise en tension des différents moments qui la constituent.

Ce souci d’un équilibre dynamique, il est perceptible enfin dans le jeu nuancé à l’extrême de la trame. Faite du croisement – on dirait parfois même un tissage – d’une multitude de touches qui transparaissent les unes sous les autres, elle dément l’unicité de la couleur en même temps qu’elle creuse la planéité de la toile.

« Entrer dans la couleur » dit encore José Albiol, et le chemin qu’il ouvre est autant d’ordre tactile que visuel. La touche est ce qui structure le champ coloré, mais elle est aussi mémoire, trace qui enregistre et préserve le geste pictural. Le tableau se construit dans l’épanouissement de son histoire. Unique, il n’est pas isolé. Son dispositif se répète, inlassablement repris à travers la série. Le peintre le décline pour se délester du souci de la composition et se concentrer sur une expérience à chaque fois renouvelée. Jamais identique et toujours semblable, le tableau, plus qu’une variation, est l’actualisation d’une potentialité.

José Albiol, seul dans son atelier, s’impose un programme ascétique : « Recherche le vide ». Mais le vide du peintre a une forme, il a une couleur. Le tableau, aussi rigoureuse que soit son économie, est un remède contre le vertige de l’absolu. Il s’en approche (et nous en approche) mais sans s’y anéantir. En cela il reste une image dont la présence physique est chaleureuse et consolante, une sorte de mandala laïque, une épreuve de vérité.

Hervé Laurent 1997

Pigments

Il s’agit, avant toute chose, d’un voyage au cœur du gel. L’hiver qui fait craquer l’atelier de toute part et cette lutte magnifique pour conserver la chaleur de l’âme ! L’imagination qui se gerce à la fine attaque de l’aube. La situation est telle que, parfois, l’orientation devient aléatoire. L’atelier crisse de toute part et le peintre ignore tout de ce qui n’est pas gravé dans la glace. Au creux de la tête, les chiens se sont blottis comme des chats… près d’une frontière un lac est devenu cassant. Il ressemble à un ciel d’enfant, un ciel colorié trop rapidement. Le rendez-vous avec la lumière est difficile et la vue s’égare dans le givre. C’est comme si un village avait éteint tous ses champs !… Alors, merveilleux, le peintre se met à hurler après une ancre imaginaire, une ancre qui vous retiendrait à la peau du soleil… une ancre délicieuse, taillée dans la résine d’un matin jaune.

Dans le cœur du gel bat l’atelier. Et dans le cœur de l’atelier bat celui de l’homme qui voyage. Un voyage en élégance, sous les fagots de papillons… sous le feu des crêtes… Au fil des jours le peintre traverse les contrées de sa propre connaissance. Sa route croise et dépasse les heures anciennes pour venir se perdre aux limites de son savoir. C’est alors que le travail gagne de la vitesse, tandis que le vide approche ! L’urgence de se laisser tomber devient pressante, mais nullement pesante…

Aucune crainte sinon celle de découvrir un nouveau paysage.

Observez bien ! Au fond du puits de l’œil brille une réserve de pigments. Ce sont des épices bleues de terre !… Observez bien ces épices, il y a en elles diverses dimensions. Elles sentent la laine chaude et la peau de champagne. Le pigment bleu se fait tiède comme une sœur endormie… il sait aussi se faire chic, comme un peintre qui se serait attaqué à la représentation du froid en lui opposant la chaleur de son être.

Les toiles de José Maria Albiol se tiennent les unes contre les autres et forment un cortège d’émotions venues du gel…elles se serrent entre elles pour mieux nous préparer à la magie de leurs veines…ces veines qui sentent si bon le fjord…le fjord envahie par la mer. Il arrive que le bleu flirte avec le beige, c’est alors que le détail se fait cabalistique. L’impression est forte et, le geste technique, perçu comme une caresse médiévale.

Le rouge maintenant ! Ce rouge que l’on sent travaillé et dont on devine le chemin compliqué des mélanges spontanés. On s’attache à cette sensibilité transcrite à travers les tâches diffuses ou surimposées. Les raccords couleurs qui rejettent toute facilité. Parfois, l’artiste nous semble tendu vers une cible que l’on a peine à voir ! On se souviendra alors que la passion intérieure se veut de perception délicate et que le bon sens nous incline à calmer la toile avant qu’elle ne s’enflamme…

Le tableau rouge brille au soleil, comme un nœud de pierres lancé dans le ciel. Une turquoise, surgie de nulle part, apporte la maturité au volume. Elle est l’unique fenêtre…

Qui brûle ! Les petites toiles, elles, se plaisent à signifier la moiteur. On imagine le geste talqué d’avoine qui caresse le coton tendu. Une part de sensualité bien réelle s’en dégage. Il y a, dans ces toiles, un peu de sable. De ce sable qui ralentit le mouvement des femmes et incite à l’indolence.

Si le peintre semble parfois s’amuser à nous perdre, on peut, je pense, être acquis à l’idée qu’il sait se laisser étourdir par la fièvre de ses actions imprévues.

Une longue plainte à travers les heures anciennes… la recherche d’un creuset, un creuset de pierres fines… il s’agit, avant toute chose, d’un voyage au cœur du gel !

Dominique Roulin 1990